Supplément Université des classes populaires – PROPOSITIONS DE LECTURE DES RÉDACTEURS ET LECTEURS DE GERMINAL
La revue du Projet, avril 2015
La nation cadre historique pour la conduite du mouvement populaire
Le numéro d’avril 2015 de la Revue du projet que publie la Fédération de Paris du Parti communiste contenait un dossier sur le thème de la nation. Son intitulé « Nation, une voie vers l’émancipation ? ». La publication de ce dossier semble viser à redonner à la notion de nation sa place dans la pensée et l’action du Parti communiste, après un relatif abandon du thème. Dans le préambule du dossier, il est précisé que la nation en tant que réalité, se positionne « au cœur des contradictions du capitalisme », qu’elle « reste un des fondements de la souveraineté populaire, indispensable à la mise en mouvement de nos sociétés », pour peu qu’on la débarrasse « de ses oripeaux identitaires ».
Dans l’article « Quelle conception communiste de la Nation aujourd’hui ? », les auteurs, Florian Gulli et Stève Bessac, précisent quelle est, selon eux, la conception que le Parti communiste se fait de la nation. Plutôt que de proposer une définition générale historique, ils précisent ce qu’ils nomment leur « position » face à celles qui s’imposent, dans la conjoncture du moment, « sur l’échiquier politique » : à savoir les positions “post-nationales” et la position “identitaire” (qui serait celle du Front National et d’une partie de la droite ?).
Du côté des courants post-nationaux, des « partisans de la mondialisation heureuse » (et semble-t-il des européistes libéraux), la nation serait devenue obsolète. L’époque serait au dépassement des nations « par le haut et par le bas ». Elle devrait se diluer dans des entités supra-nationales ou par le renforcement des pouvoirs régionaux « au détriment du pouvoir central de l’État-nation ». Selon les auteurs, qui récusent ces façons de voir, « vouloir de nouvelles relations internationales [au demeurant mal définies] est une chose, supprimer les nations en est une autre. »
Du côté du courant qu’ils dénomment « le nationalisme », la nation se présenterait comme rempart ultime contre le « mondialisme », mais par le recours à une “ethnicisation” de la nation. La nation serait alors définie essentiellement par opposition à l’Islam « mot valise désignant pêle-mêle les musulmans, les immigrés, les Arabes ». Une telle conception viserait à exclure une partie de la population, et détournerait « des principes qui nous sont chers comme la laïcité ». La centration de la critique des auteurs de l’article sur la question de “l’Islam”, aspect lié à une situation historique déterminée, ne permet pas de saisir clairement la conception plus générale qu’ils se font de la nation. En outre, ils semblent confondre “nationalisme”, “nationalisme raciste” et “ethnicisation”.
Toujours au regard des conceptions auxquelles ils s’opposent, ils se proposent de donner leur propre définition.
En premier lieu, ils précisent leur conception, moins en elle-même, qu’au regard du principe d’un « internationalisme authentique ». Celui-ci ne nierait pas la nation, contrairement à ceux que l’on pourrait qualifier « ennemis du peuple », les trusts, et tous ceux qui « font passer leurs privilèges de classe avant les intérêts de la nation », exilés fiscaux, etc. Pour sa part, « l’internationalisme authentique » pense la nation « dans sa relation aux autres » [nations ?]. Il est le refus de la concurrence entre les salariés des différentes nations, le refus de la concurrence qui est la loi du système capitaliste. La mise en concurrence des ouvriers français et allemands par le capitalisme est plus spécialement déplorée.
En deuxième lieu, les rédacteurs précisent que « la nation n’est pas affaire de religion », et que les définitions “ethnico-religieuses” contreviennent au principe d’unité de la nation. Ce sont des points importants qu’en effet il n’est pas inutile de rappeler. Mais s’il est clair que le corps de la nation comprend « la population française de confession musulmane », pourquoi ici encore la poser comme entité à part , se centrer sur cette “confession” ? N’est-ce pas là participer à une conception de la nation « qui introduit les germes d’une guerre civile » “ethnico-religieuse” que les auteurs pourtant récusent ?
Le point le plus intéressant, et qui se rapproche d’une définition positive de la nation, n’est donné qu’en dernier. Les auteurs proposent une identification de la nation et de la démocratie, plus ou moins identifiée au pouvoir ou à la souveraineté du peuple. La démocratie selon eux, et on ne peut qu’y souscrire, ne peut se manifester que « dans un cadre national », dans le cadre d’une socialisation globalement uniforme sur un territoire, d’une vie quotidienne soumise au même cadre juridique, façonnée par les mêmes institutions, protégée par un certain nombre de droits sociaux collectifs, « grands cadres de la vie collective » qui la constituent. Le cadre national dès lors permet au mouvement populaire de pouvoir œuvrer sur la base de « ses traditions d’action, ses multiples espaces publics de discussion, qui renvoient à l’histoire longue de chaque pays. » Les « luttes sociales » « se déploient dans un cadre national » et le mouvement populaire peut s’appuyer « sur des ressources historiques propres » que renferme le cadre national.
Peut-être aurait-il été plus clair pour le lecteur de commencer par ces éléments d’une définition positive. Saluons cependant cet effort pour remettre la question de la nation à l’ordre du jour, sa définition, mais aussi les conditions qui ont présidé à sa formation historique et les atteintes qui depuis des décennies y sont portées.
Les différents numéros de la Revue du Projet sont consultables et téléchargeables. On peut aussi s’abonner à la version papier.