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DOSSIER – Le peuple dépossédé de la politique*

 

Lorsque dans le cadre d’une enquête de terrain, l’on demande à différents groupes de population ce que représente pour eux la politique, on obtient des réponses contrastées, selon la façon dont on a posé la question. Soit il leur est demandé de dire comment ils conçoivent la politique1, en tant que notion, domaine de l’activité sociale humaine, soit on se borne à recueillir de simples “opinions”, points de vue, jugements éventuels, sur ce qu’évoque pour eux la vie politique “telle quelle est”, telle qu’ils peuvent l’apprécier dans son fonctionnement effectif, au travers de la pratique ou des responsables qui l’ont en charge.

Dans le premier cas, la politique, en tant que “concept” pourrait-on dire, se présente comme ce qui concerne «  les affaires générales de la société  », des citoyens, de l’État, de la nation, de ce qui concerne le “public”, par opposition à ce qui est partiel, limité à une catégorie, au particulier, au privé, au local, etc. Cette façon de concevoir la politique ne s’accompagne pas le plus souvent de dépréciations négatives. Il n’en est pas de même dans le second cas, lorsqu’il s’agit de donner son avis sur le fonctionnement effectif de la politique, celui-ci se trouvant assez généralement remis en cause, la politique se présentant chaque jour davantage depuis quelques années en extériorité par rapport à la population, [«  ça ne m’intéresse plus  » ou «  cette fois je ne vais pas voter  »], comme si le processus de scission entre deux pôles du “corps politique” en était arrivé à son terme.

Au pôle “d’en bas”, celui de la population, du peuple, des citoyens ordinaires (quel que soit le nom qu’on leur donne), la défiance, voire le “dégoût” peuvent s’exprimer envers les responsables et institutions politiques (prises au sens large  : gouvernement, partis, médias, justice…). C’est ce qu’attestent des résultats d’enquêtes récents (Cevipof et Fondapol) dont on présente un abrégé sommaire dans le cadre de dossier [Voir l’article  : Les peuples dépossédés de l’exercice de leurs facultés politiques].

À l’autre pôle, celui du “haut”, celui des responsables politiques, de ceux qui se placent en position de dire le vrai et le bien pour ceux qui ne sont “rien”, d’autres formes de dissolution de la société politique sont à l’œuvre. Des illustrations en sont proposées dans ce dossier. La première fait état de l’importance prise par les Cabinets conseils dans la gestion de l’État, jusqu’à en arriver à substituer à la direction politique d’un pays, un ensemble de méthodes et techniques qui relèvent de la “gouvernance” et du management. [Voir dans ce dossier la note de lecture sur l’ouvrage de M. Aron et C. Michel-Aguirre, les Infiltrés, et l’article «  Substituer la gouvernance à la politique  »].

La seconde illustration porte sur ce qui se présente comme une volonté venue “d’en haut” visant à réduire autant qu’il est possible l’expression politique qui s’expose au pôle de ceux «  qui ne sont rien  ». Cette volonté se traduit par un souci d’exercer un certain contrôle de l’information, de faire prévaloir, à partir des sommets du monde médiatique et politique, l’information estimée conforme et légitime, contre tout ce qui se présente comme “mésinformation”, “complotisme”, voire outrage à une Raison hypostasiée, se constituant en isolat, contre la raison pratique [au sens de Kant], telle qu’elle se forge par la délibération des citoyens associés. [Voir l’article «  Les Lumières à l’ère numérique ou le Meilleur des mondes oligarchique  » – variation sur le rapport de la Commission Bronner, missionnée par le Président de la république]


 

*. Sur la notion de Lieu politique, voir Le lieu politique. Constitution et déconstitution. Centre de Sociologie Historique, 2016.

 

1. Voir, parmi d’autres, Le vocabulaire et les conceptions politiques du peuple, Cahiers pour l’analyse concrète, 68-69, 2011

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