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Acte II – Dissolution de l’Assemblée nationale Coup de poker

On doit admettre que les résultats du scrutin aux Européennes ne laissent pas beaucoup de choix au Président. En se contentant de maintenir le statu quo, laissant en place le gouvernement et l’Assemblée dans sa composition, le fragile équilibre de la majorité présidentielle ne semble pas pouvoir être maintenu, le gouvernement serait renversé dès que s’ouvrira la discussion sur le budget, prévu en septembre. Emmanuel Macron a, semble-t-il, pris conscience de la défaite subie, mais il estime être à même de renverser la situation, créer les conditions d’un nouveau dynamisme, par ce qu’on peut choisir de nommer “un moment gaullien” ou “un coup de poker”, c’est selon.

Lors d’une conférence de presse organisée le 12 juin 2024, trois jours après la claque des européennes et l’annonce de la dissolution, Emmanuel Macron dit avoir reçu le message des Français. «  Nous ne pouvons rester indifférents ou sourds  », il promet une nouvelle fois de «  gouverner différemment  ». Le 18 juin il confirme  : «  J’ai compris le message de la défaite des européennes et j’en ai tiré des conséquences démocratiques. Si les Français nous refont confiance, ça ne pourra plus être comme avant. Nous devrons être encore plus ouverts sur le fond des mesures comme sur la manière de gouverner.  »

Les duettistes alors sur le devant de la scène, Bardella et Macron, se prononcent ainsi en conjoint accord pour dissoudre l’Assemblée nationale. Il faut «  revenir au peuple  », proclame l’un, «  que la parole soit donnée au peuple souverain  » assure l’autre. Quant à nous, tirons le meilleur parti d’un tel accord, pour, très modestement, redonner sinon la parole au peuple, du moins recueillir quelques commentaires et appréciations émanant de simples citoyens. La restitution de ces prises de position n’est pas l’expression en miettes d’un “échantillon représentatif” de la population. Dans leur appréciation de la réalité politique et sociale, les observations et jugements d’individus singuliers, [locuteurs référents] relevant de l’ordre commun, sont considérés pour eux-mêmes, leur intérêt n’étant pas envisagé ici comme inférieur, ou moins pertinent, que ceux émanant de commentateurs ou exégètes patentés.


La décision de dissolution  : réactions de quelques citoyens [[1]]

La décision de dissolution a suscité une certaine perplexité, de l’inquiétude, voire un sentiment de “vertige”, de perte des repères auxquels on s’était habitués.


« De toute façon il n’y a rien de bon pour nous à en attendre. »


« C’est trop compliqué à comprendre. En tous cas, quoi que ce soit qui arrive, on est très mal barré. »

 

Du fait qu’aucune vraie perspective politique ne se présente pour le pays, un principal responsable, ou fautif, de la situation peut ordinairement se trouver désigné  : le Président de la République [ou «  Macron  »]. La décision de dissolution est perçue comme relevant de motifs personnels, orgueil, auto-centration, mépris du peuple, qui rendraient compte de son impéritie politique.


« De la part de Macron, c’est du déni  : c’est comme si c’est nous qui n’avions pas compris. »


« Macron est tellement orgueilleux. Il a raison, point. Le bateau coule, et lui, il perce un trou dans le fond, et il nous entraîne tous avec lui. Que faire  ? Reste à tâcher que le trou soit le plus petit possible. »


« Macron a une façon de communiquer, qui montre du mépris, un mépris de classe  : il se préoccupe de la forme, pas du fond, pas du contenu. Alors, ce sont des crétins  ? C’est un jeu dangereux, c’est de la légèreté, il n’a jamais été un homme politique. »


« La dissolution. D’un président, on attend une vue stratégique  ; pas un “coup”. Il ne se demande pas vraiment ce qui va pouvoir arriver  : il est sûr qu’il a raison, la réalité le reconnaîtra. Cette absence d’anticipation est pénible à voir. »

 

Certains cependant, tout en en déplorant des effets contre-productifs, perçoivent les motifs qui ont conduit à la décision de dissolution  :


« Macron s’est dit  : foutu pour foutu, je mets les gens au pied du mur. Sauf qu’il ne sait pas où ça mène, il pense que cela fera peur et qu’il paraîtra plus acceptable. Cette façon, ça va plutôt faire l’effet inverse sur pas mal de gens. »


« La dissolution. Macron veut prendre de court ses opposants, mais c’est de la bidouille à l’aventure. »

 

Au-delà de la personne et du “style” d’Emmanuel Macron, l’origine de la décision serait à mettre en relation avec le résultat des élections européennes et la position périlleuse dans laquelle se trouve le camp présidentiel. Anticipant l’accession au pouvoir du Rassemblement national, on craint ce qu’il pourrait en résulter pour la vie politique.


« La probabilité que le RN soit au gouvernement est loin d’être nulle. »


« C’est catastrophique. Quel choix on a maintenant  ? Le Front national va être au gouvernement, et après Le Pen présidente  ? »


« [le Rassemblement national] Macron a-t-il pensé qu’une fois au pouvoir, on allait se rendre compte qu’ils étaient nuls  ? Et s’ils ont une majorité relative, la France se retrouvera ingouvernable. »


« Je suis écœuré. Saumâtre. Par les résultats du vote – même si je m’y attendais. Et par les réactions. »


« Si le RN est élu, LFI va manifester tous les jours, avec les débordements et la casse devenus habituels. Ça a déjà commencé. »


« Le RN au gouvernement, LFI poussera à de la violence dans le pays. [Pour aller vers quoi  ?] Vers rien  ! Et dans ce cas Bardella réagira par de la répression. Je crains Bardella, son visage lisse, sans expression, pas quelqu’un qui a des nuances et des scrupules. »

 

Certains admettent qu’il ne convient pas d’imputer au seul Président de la République l’essor électoral du Rassemblement national.


« Bon, ce n’est pas seulement lui qui fait monter le RN  : les black-blocs dans la rue, en ce moment c’est tous les jours le bordel. Il y a vraiment un sentiment d’insécurité en général, et le RN met ça en avant. »


« Je ne suis pas étonnée du tout du score RN. Cela fait des années que je pense que les gens sont découragés des autres parce que la situation ne s’améliore pas, au contraire, et ils voudront essayer le vote RN. »

 

On peut aussi ouvertement souhaiter la venue au pouvoir du Rassemblement national. Convient-il d’ailleurs d’imputer à ce parti tout le mal qui peut advenir  ?


« Le RN va passer. Tout ce qu’il reste à essayer, c’est voter RN. »


« On dit qu’avec le RN, l’économie ça n’ira pas. Mais de toutes façons, ça ne va pas, les prix augmentent, et tout va à vau l’eau, rien ne marche bien. »

 

Indépendamment de “Macron”, la situation, “l’ambiance” générale en politique est devenue détestable, plus spécialement au sein de l’Assemblée nationale, censée regrouper des représentants du peuple, et on ne sait plus ce qu’on peut attendre des courants organisés.


« Il n’y a plus de débats, à quelques exceptions près. Des débats où on s’écoute, même lorsque on n’est pas d’accord. Aussi bien dans le privé que dans les débats télé-radio. Ils martèlent ce qu’ils ont à dire, souvent ça vole pas bien haut, ils s’invectivent  ; mais ça n’avance pas. »


« C’est contre ce que doit être une Assemblée qui discute la politique et décide des lois. Ça ne sert qu’à crisper encore plus les uns contre les autres. »

 

Ce qui se passe au niveau mondial et pas seulement en France figure parmi les sources de préoccupation.


« J’ai travaillé toute ma vie, et quand je vois ce que devient la France… Remarque, c’est dans le monde entier. Trump va repasser  : il fera quoi  ? On sait pas. Les Juifs et les Arabes ils se massacrent, et ça durera jusqu’à la fin des temps. La Russie et l’Ukraine, ils se foutent sur la gueule, pareil. Et la Chine… »

 

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1. Les propos retranscrits sont issus d’enquêtes directes et de retranscription de forums (radios, réseaux divers).

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