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Quelques données sur les déterminations générales de la crise de 1929

La crise qui sévit actuellement est une manifestation de la contradictions fondamentale du régime capitaliste. Comme en 1929, il s’agit d’une crise générale qui succède aux crises, « banales », « classiques » qui, cycliquement, secouent ce régime. Tous les pays sont touchés plus ou moins durement, et les « recettes » habituelles qui permettaient de surmonter, sinon de résoudre, ces inévitables soubresauts, ne sont plus de mise.

La crise a été révélée au monde par une crise financière, notamment la crise qui a affecté un système de crédit aux états-Unis (« subprimes »), mais ses causes sont beaucoup plus lointaines et remontent aux années 70. Elles sont aussi plus générales, inhérentes au principe qui régit le capitalisme.

Dans le précédent numéro, on a mis au jour le fondement d’une telle crise, toujours liée, comme au XIXe siècle, à l’engrenage de la « surproduction capitaliste », qui se manifeste par l’arrêt de la production de richesses sociales, la destruction de forces productives, matérielles et humaines : fermetures d’usines, licenciements, chômage, ruine d’exploitations agricoles etc. Les classes populaires étant les premières touchées, mais à terme toute la société se trouve affectée.

Les observateurs n’ont pas manqué de comparer la crise actuelle à la crise de 1929, notamment dans ses aspects financiers. Ils sont restés plus discrets tant sur ses déterminations économiques fondamentales que sur ses implications politiques. C’est sur ce dernier aspect que nous allons insister, car le sujet nous touche directement, et plus encore dans un avenir proche. Il est important à cet égard de poser la relation existant entre les conditions matérielles défavorables pour les classes populaires, suscitées par la crise, et les dangers politiques qu’elle implique.

Sans vouloir établir une équivalence exacte avec la crise de 1929, des enseignements historiques méritent d’être rappelés. C’est dans la foulée de cette crise générale, que, spéculant sur la situation insoutenable des peuples, les régimes fascistes les plus destructeurs se sont instaurés. Les facteurs déclencheurs de la Seconde Guerre mondiale sont aussi à mettre en relation avec cette crise, avec les dévastations des richesses matérielles et humaines que cette guerre a engendré.

Face aux atteintes à leurs conditions d’existence, les classes populaires de différents pays ont tenté, comme elles le font aujourd’hui, de faire barrage au processus de dégradation. Face au danger de fascisation et de guerre, elles ont su parfois réaliser leur union, notamment dans le cas de la France par la tactique du Front populaire contre le fascisme et la guerre. Mais en dépit de leur engagement résolu, elles n’ont pas réussi à juguler ces fléaux. Pourtant alors, les classes populaires n’étaient pas dans une situation de désorganisation et de désorientation politiques. Il existait aussi face au camp capitaliste (lui-même divisé), un camp et un forum mondial du socialisme.

Les dangers politiques sont donc grands pour l’avenir, bien qu’ils puissent se présenter de façon moins visible et plus insidieuse, ce qui paradoxalement peut rendre plus difficile le travail de réorganisation et d’unification des forces populaires contre de tels dangers.

L’exposé qui va suivre est d’ambition modeste. Il se borne à fournir quelques données sur des faits politiques associés à la crise de 1929, afin d’en dégager quelques enseignements. Il n’est pas inutile à ce propos de proposer tout d’abord quelques éléments sur le contexte qui a précédé ou accompagné cette crise.

Bref aperçu du contexte après la Première Guerre mondiale

La crise générale de 1929 se manifeste dans le contexte de l’après Première Guerre mondiale, période au cours de la quelle plusieurs crises d’ampleur plus réduite se sont succédé. Si la principale puissance vaincue (l’Allemagne) prépare très tôt sa revanche, la victoire de la révolution soviétique met pour un temps en sommeil les conflits trop apparents au sein du monde capitaliste et leurs ambitions rivales de repartage du monde. Ceci, du fait que l’existence d’un camp mondial du socialisme se présente comme une menace pour le régime capitaliste, qui conduit les différents camps, au-delà de leurs divisions, à faire front contre le danger commun.

En Italie, l’après guerre est marquée par une crise économique mal jugulée, avec désorganisation de l’industrie, baisse de la lire et difficultés de ravitaillement. En outre, la montée du communisme effraie la bourgeoisie et pousse ses représentants à beaucoup d’indulgence à l’égard des visées fascistes, qui quand au fond se propose de sauver le régime capitaliste, tout en usant d’une phraséologie révolutionnaire, pour tenter de subjuguer les masses. Les représentants de l’impérialisme italien estiment aussi que l’effort fourni aux côtés des puissances victorieuses lors de la seconde partie de la guerre a été mal récompensé dans les traités de repartage. Le fascisme italien se présente ainsi comme répondant aux attentes contradictoires de diverses catégories sociales : bourgeois qui rêvent de reconstituer la puissance à l’Italie, paysans et ouvriers menacés par la crise, intellectuels, propriétaires fonciers, financiers qui craignent la contagion soviétique.

A des degrés divers, la France, l’Allemagne, l’Angleterre, subissent aussi des crises. Pour l’Allemagne, l’établissement de la République se fait au prix ce l’écrasement de la révolution spartakiste, pour partie influencée par la révolution russe. Au plan économique, on assiste à une baisse vertigineuse du mark de 1918 à 1923, à l’écroulement des petites et moyennes entreprises, à la prolétarisation de la classe moyenne. Le retour à un relatif équilibre ne se produit qu’en 1924-1928. Mais le mécontentement de nombreuses catégories de la population servira à alimenter les visées fascistes et la volonté agressive de la puissance allemande.

L’Angleterre connaît les difficultés les plus graves entre 1919 et 1924, avec recul de la prospérité anglaise du XIXe siècle, perte de son hégémonie économique, instabilité politique. Le malaise économique persiste au cours des années 1925-1929, notamment du fait que les produits anglais ne sont plus compétitifs sur le marché mondial.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les états-Unis deviennent la première puissance mondiale, entrant en concurrence avec les capitaux et les puissances européennes, faisant grandir les sentiments d’hostilité à son égard. Les étatsUnis n’en connaissent pas moins aussi des difficultés d’ordre économique et social : grandes grèves en 1919 dans l’acier et les charbonnages qui se terminent par une défaite ouvrière, courte crise en 1920-1921 suivie de grèves dont les patrons sortent victorieux. Durant cette période, l’industrie américaine se modernise, avec la standardisation, le développement du machinisme, la concentration des entreprises. Les profits s’accroissent et aux crises succède une période de prospérité de 1922 à 1929. Cette période de prospérité et de relative surproduction au regard du marché mondial contribue à préparer les conditions de la grande crise de 1929.

Brèves données sur le développement des rivalités impérialistes dans la périphérie

Dans l’entre-deux-guerres, les divers lieux qui sont aujourd’hui encore en état de guerre étaient déjà la proie des rivalités entre puissances impérialistes. On se contentera d’en donner quelques illustrations.

Dans la périphérie du monde capitaliste, des revendications anti-colonialistes se développent, principalement contre les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, la France et l’Angleterre. Les vaincus (Allemagne, Turquie) qui ont perdu leurs colonies ou zones d’influence peuvent évidemment trouver intérêt à attiser les revendications anti-colonialistes contre les puissances rivales. Au Moyen Orient, la Turquie a perdu les pays sur lesquels s’étendait son empire : Syrie, Mésopotamie, Palestine, sur lesquels la SDN a conféré des mandats à l’Angleterre et à la France. La France détient aussi un mandat sur le Liban et la Syrie. Des rivalités pour le pétrole se font jour entre les pays vainqueurs, France et Angleterre notamment. L’ Angleterre détient un mandat sur la Palestine, la Mésopotamie, mais le district pétrolier a été dévolu à la France. Les britanniques finissent par obtenir des droits sur son exploitation, en échange d’une participation de la France à la production. La concurrence nouvelle des états-Unis n’est pas à négliger, et vraisemblablement aussi celle, moins visible, des puissances vaincues, dont l’Allemagne.

Face aux revendications et mouvements anti-impérialistes, la puissance britannique privilégie le profit commercial. Elle vise à constituer un vaste empire arabe sous le sceptre des Hachemites (dont le chef Hussein, est roi de La Mecque). Les britanniques voudraient se poser en tuteurs de cette fédération qui irait de la Méditerranée à la Perse, réservoir de pétrole et qui constitue un bouclier pour protéger les Indes (alors sous tutelle anglaise).

En 1927, l’Iran devient un état indépendant. Son nouveau chef, Reza Chah Pahlevi, obtient une part des bénéfices réalisés sur le pétrole du pays. Il se rapproche de la Turquie et de l’URSS mais maintient de bons rapports avec l’Angleterre. En 1936, une commission royale anglaise décide d’un partage de la Palestine en deux états : un tiers est réservé aux juifs, c’est « le Foyer national pour le peuple juif », les deux tiers aux arabes, un couloir unit Jérusalem à la mer. Cela provoque des mécontentements de part et d’autre.

En Inde, l’Angleterre qui avait joué sur les rivalités entre Hindous et Musulmans pour maintenir sa domination. La guerre change un peu sa donne. Après la guerre, le pays est bouleversé politiquement et économiquement (la grande firme Tata Iron and Steel Company, créée en 1907 démarre avec la guerre). Il y a accélération de l’industrialisation, développement de l’extraction charbonnière, croissance de l’industrie textile, avec émergence d’un prolétariat sous payé. La demande d’importation de produits en provenance de Grande Bretagne décroît. Dès 1916, l’agitation commence, un premier syndicat du textile est constitué en 1918. De grandes grèves se multiplient, l’influence des communistes grandit. C’est un levier pour la lutte des travailleurs, et aussi un outil pour contrer l’impérialisme anglais.

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