etudes, notions théoriques

courants de pensée

analyses

pages d'histoire

questions que l'on se pose

enquête, témoignage

poèmes

biographies

Face à un ordre occidental discrédité – Propos de Xi Jinping, Modi, Poutine

 

Depuis la fin d’un monde ordonné autour de la polarité entre deux régimes économiques [capitalisme/socialisme], la mondialisation capitaliste a pu déployer librement les contradictions qui la traversent. Les rivalités entre puissances se sont exacerbées et de nouveaux prétendants à l’hégémonie ont pris leurs marques.

Le processus de remise en cause de l’ordre mondial dans l’orbe des USA s’est déployé dans la foulée, faisant l’objet de discours politiques de la part de prétendants potentiels. On a choisi de restituer de façon littérale quelques bribes de tels discours, prononcés à l’occasion de forums ou autres conférences par des dirigeants de puissances majeures, telles que la Chine, l’Inde et la Russie1. Il va de soi qu’il ne s’agit pas d’une analyse des positions stratégiques de ces divers protagonistes.


Chine  : Xi Jinping

Pour le président Chinois, Xi Jinping, «  le monde se trouve une fois de plus à la croisée des chemins  »,

«  … à un carrefour de l’histoire  » ce qui n’épargne aucun pays. Ce monde «  entre dans une nouvelle période de turbulences et de transformations.  »

Tout en déplorant cet état de fait, Xi Jinping constate les effets néfastes qui en découlent  :

«  les tensions géopolitiques et les changements dans l’échiquier économique exercent des impacts négatifs…  »

S’agit-il pour lui seulement d’une crise mondiale par successions et adjonctions de calamités (Covid-19, crises alimentaires et énergétiques, la dette, etc.) ou bien d’une détérioration plus profonde où «  des facteurs d’instabilité et d’incertitude se multiplient  »  ?

La situation mondiale est selon lui gravement affectée par «  l’unilatéralisme  », «  le protectionnisme  », «  l’hégémonisme  », «  la mentalité de la guerre froide… devenue archaïque…  » qui réapparaissent et s’étendent. Ces facteurs vont à l’encontre du développement de l’économie et du marché mondial.

«  Les chaînes industrielles et d’approvisionnement mondiales sont mises à mal  ».

La position de domination que se sont arrogées les puissances occidentales est remise en question  :

«  … la recherche d’une domination hégémonique, la volonté d’imposer la politique du plus fort et les tentatives d’intimidation au moyen de l’abus de puissance, de brutalités exercées sur les pays faibles, de l’accaparement de richesses, du pillage et du jeu à somme nulle ont de graves impacts…  »

La division nocive entre «  groupes  » ou «  blocs  » est facteur de division et d’entrave au progrès global  :

«  Le clivage idéologique, la politique des groupes et la confrontation des blocs ne font que diviser le monde et entraver le développement mondial et le progrès de l’humanité.  »

Il souligne «  le grave déficit de gouvernance mondiale  », plus spécialement dans les échanges économiques, ce qui rend nécessaire une réforme de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) avec la participation active de la Chine.

«  Nous devons participer pleinement et en profondeur à la réforme de l’Organisation Mondiale du Commerce…  »

Il devrait en être de même pour la “gouvernance mondiale”. Une forme de reconnaissance de la Puissance chinoise et une participation plus notable dans la «  gouvernance mondiale  », une évolution de «  l’ordre international  », sont aussi requis, pour un ordre plus juste  :

«  Nous devons prendre une part active dans la gouvernance mondiale pour faire évoluer l’ordre international dans un sens plus juste et plus rationnel et offrir une garantie à la paix et à la stabilité en Asie-Pacifique et dans le monde.  »

Le précarré chinois, «  l’Asie-Pacifique  », zone de libre-échange, constituera la base «  d’un nouveau système d’économie ouverte de niveau plus élevé…  » Le «  marché  » et «  les lois de l’économie  » [capitaliste] ne sont pas récusés, mais plutôt les obstacles qui empêchent le développement des échanges mondiaux et la place de la Chine dans ce cadre  :

«  Nous devons continuer de préserver le système commercial multilatéral centré sur l’OMC, de faire avancer activement la réforme de l’OMC, de promouvoir la libéralisation et la facilitation du commerce et de l’investissement et de construire une économie mondiale ouverte…  »

La réforme de l’OMC devra aller de pair avec celle du FMI, ce qui permettrait d’associer aux visées chinoises des «  pays à faible revenu  »  :

«  Le Fonds monétaire international doit accélérer la réallocation des droits de tirage spéciaux (D.T.S.) aux pays à faible revenu.  »


Inde  : Narendra Modi

Le premier ministre indien conteste comme Xi Jinping l’ordre mondial et l’incapacité des puissances et institutions mondiales à en résoudre les problèmes, outre le changement climatique et la pandémie, les ravages qui se manifestent dans le domaine économique  : chaînes d’approvisionnement globales en ruine, «  pénurie de biens essentiels à travers le monde  »  :

«  les institutions multilatérales telles que l’ONU ont échoué sur ces questions  » relatives aux dévastations mondiales.  »

Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères, S. Jaishankar, affirme plus nettement dans son livre The india Way, Strategies for an Uncertain World, son rejet de la domination occidentale, qui aurait selon lui «  trop durée  » et qui laisse présager une issue inéluctable et périlleuse. Une alternative doit être mise en place.
«  La clé de la longévité occidentale tient à l’ensemble des institutions et des pratiques qu’elle a établi durant sa période de domination […] Mettre en place des alternatives est un défi immense. Mais […] cela finira par arriver.  »

Selon le premier ministre, l’année 2047 se présente comme une échéance possible pour faire de l’Inde une «  puissance dominante  », d’où son slogan  : «  India First  ».

Dans le même sens, Narendra Modi préconise de «  créer un nouvel ordre mondial  » qui selon le ministre des Affaires étrangères pourrait se réaliser en suivant une pente “douce”. L’Inde devrait s’affirmer comme «  puissance douce  » grâce à ses traditions, à hindouisme, susceptibles de convaincre l’opinion publique mondiale. Ainsi pourraient se trouver résolus «  les conflits mondiaux et les dilemmes de notre temps.  » affirme Modi. L’Inde se présente comme porteuse des intérêts de l’humanité  :

«  Il est de notre responsabilité de développer les connaissances du monde avec l’intellectualisme issu de notre culture millénaire  ».

«  L’Inde se doit de considérer «  tous nos amis du Sud qui ont été les compagnons de route de l’Inde sur le chemin du développement  ».

Pour faire adhérer les “puissance du Sud” aux visées mondiales indiennes, C’est aussi au nom «  d’une société pillée pendant des siècles par les attaques étrangères et le colonialisme  » qu’il convient de porter cette revendication mondiale pour «  nous libérer d’une mentalité coloniale  ».

Jaishankar, le ministre des Affaires étrangères, envisage aussi l’alliance avec la Chine pour contrecarrer l’ordre occidental  :

«  L’Inde et la Chine gardent à l’esprit qu’elles contestent toutes les deux l’ordre établi par l’Occident  ». «  Les deux pays poursuivent le même effort de créer un monde plus équilibré.  »

Au sein de cet équilibre recherché, la Russie trouverait sa place. Il convient  :

«  de préserver la force et la stabilité de la Russie…  »


Russie  : Wladimir Poutine

Wladimir Poutine conteste lui aussi l’ordre mondial que les pays occidentaux et les USA imposent au monde. Selon lui, «  le monde moderne traverse une période de changements spectaculaires.  »

Ces «  changements  » rapides et de grande ampleur touchent les domaines suivants  : l’économie, la finance, les relations internationales. Ils ont conduit à des effets néfastes, résultat «  d’erreurs systémiques  » dont les protagonistes sont ciblés  :

«  [c’est le] résultat d’erreurs systémiques dans les politiques économiques de l’administration américaine actuelle et de la bureaucratie européenne.  »
«  Le monde a été poussé dans cette situation par de nombreuses années de politiques macroéconomiques irresponsables de la part des pays dit du G7, notamment des émissions incontrôlées de monnaie et l’accumulation de dettes non garanties. Et ces processus n’ont fait que s’accélérer, s’intensifiant avec le déclenchement de la pandémie du coronavirus en 2020 …  »

La responsabilité revient à l’Occident qui prétend maintenir un ordre «  à sens unique  ».

Selon Poutine, les «  instances internationales s’effondrent, elles sont défaillantes  ». «  L’ordre mondial unipolaire est terminé…  », «  de nouveau centres de force ont émergé sur la planète…  »

Les arguments de Poutine à l’encontre de cet ordre à sens unique, ne se positionnent pas exactement sur les mêmes thèmes que les dirigeants de l’Inde et de la Chine. S’agissant de la Russie, il met davantage l’accent sur une «  coopération internationale  » fondée sur la “souveraineté politique”, “l’indépendance économique”, et ce qu’il nomme la “justice historique”. Il s’agit selon lui de préalables pour parvenir à «  approfondir la coopération internationale  »  :

«  […] il est important pour nous non seulement de défendre notre souveraineté politique, notre identité nationale, mais aussi de renforcer tout ce qui détermine l’indépendance économique du pays, son autosuffisance et son indépendance financière personnelle et technologique.  »

Le président russe ne préconise pas pour autant pour la Russie «  l’auto-isolement  », «  l’autarcie  ». La coopération internationale se construit entre «  intérêts nationaux  » au moyen de «  projets communs  » qui n’excluent pas «  les entreprises occidentales [celles-ci continuant] à travailler avec succès sur le marché russe.  »

Il n’y a pas d’autre alternative

«  [Seuls], les États forts et souverains  » institueront «  les règles de fond du nouvel ordre mondial  » ou ils seront «  condamnés à devenir ou à rester une colonie impuissante.  »


 

1. - Discours de Xi Jinping, les 17 et 18 novembre 2022 à Bangkok et le 16 octobre 2022 lors du rapport du XXe Congrès du PCC.

– Narendra Modi, citations extraites d’un article du Figaro du 27 novembre 2022 : «  G20, pourquoi l’Inde de Modi va-t-elle refonder l’ordre mondial  ».

– Wladimir Poutine, Discours au Forum économique international de Saint-Pétersbourg du 18 juin 2022.

Un commentaire ?