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Jules Guesde (1845-1922) Classe ouvrière, nation, patriotisme, internationalisme

 

«Educateur et organisateur du prolétariat  »[1], tel fut le rôle joué par Jules Guesde dans le mouvement ouvrier. Il y a des hommes dont la vie est exemplaire à la fois pour ce qu’elle a été et aussi pour ce qu’elle symbolise du mouvement social. Jules Guesde est un de ces hommes, sa vie s’identifie avec l’organisation du mouvement ouvrier en France. Transformer le mouvement ouvrier désorganisé en mouvement politique unifié, indépendant, et conscient des objectifs historiques à réaliser, c’est ce que Jules Guesde s’efforça de réaliser tout au long de sa vie. Il est le père fondateur du premier parti ouvrier en France et le champion des classes laborieuses.

 

Pour Jules Guesde, la nation est considérée comme une forme progressiste de l’évolution humaine, ce qui n’exclut pas l’existence en son sein d’une lutte entre classes sociales. Guesde n’en déduit pas pour autant que le cadre national, historiquement forgé, doive être détruit au prétexte d’un internationalisme mal compris. Pour lui, comme pour Blanqui, les réalités et les notions de classe et de nation ne s’opposent nullement, et la défense de la nation, le patriotisme, lui semblent se trouver davantage du côté des classes exploitées que des classes exploiteuses. Ce qui se trouvait attesté par l’insurrection populaire de la Commune (1871), faisant suite à la capitulation des classes dirigeantes au cours de la guerre franco-allemande. Les quelques extraits de textes de Guesde proposés ci-dessous en font foi.


L’internationalisme suppose la formation de nations constituées


Congrès National du Parti ouvrier  –  Limoges 1906


« On a parlé ici de nations comme de quelque chose, soit de purement artificiel, soit de purement réactionnaire. Mais les nations sont quelque chose de considérable dans l’évolution de l’humanité  ; elles sont une étape sur la grande route de la patrie humaine. Et le rôle qu’elles jouent aujourd’hui ne sera pas épuisé demain. Je salue les nations constituées qui me permettent de parler, d’ores et déjà, d’inter nation et de percevoir et d’entrevoir et de poursuivre la nation unique de l’avenir. »


Le collectivisme ne se réalise pas aux dépens des nations, mais à leur bénéfice


Janvier 1893  –  Conseil National du Parti ouvrier


«  Aux travailleurs de France  !  »
« L’internationalisme n’est ni l’abaissement, ni le sacrifice de la patrie. Les patries, lorsqu’elles se sont constituées, ont été une première et nécessaire étape vers l’unité humaine à laquelle nous tendons et dont l’internationalisme, engendré par toute la civilisation moderne, représente une nouvelle étape, aussi inéluctable. »


Les internationalistes sont les seuls patriotes, non les classes exploiteuses


« Nos adversaires de classe ont recours à la seule arme qui leur reste  : la calomnie. Ils sont en train de dénaturer notre internationalisme comme ils ont essayé de dénaturer notre socialisme. Et, bien que ceux qui affectent de nous présenter comme des sans patrie soient les mêmes hommes qui, depuis un siècle, n’ont su que faire envahir et démembrer la patrie livrée par leur classe au banditisme de la finance cosmopolite et exploitée […], pas plus que nous ne leur avons permis de confondre la solution collectiviste avec l’anarchie, cette caricature de l’individualisme bourgeois, nous ne les laisserons traduire notre glorieux cri de  : vive l’Internationale  ! par l’inepte hoquet de  : à bas la France  ! »


« En criant Vive l’Internationale  ! ils crient Vive la France du travail  ! vive la mission historique du prolétariat français qui ne peut s’affranchir qu’en aidant à l’affranchissement du prolétariat universel  ! »


« Nous voulons donc  –  et ne pouvons pas ne pas vouloir  –  une France grande et forte, capable de défendre sa République contre les monarchies coalisées et capable de protéger son prochain 89 ouvrier contre une coalition, au moins éventuelle, de l’Europe capitaliste. »


La formation historique de la France nourrit le patriotisme des socialistes français


« Les socialistes français sont encore patriotes à un autre point de vue et pour d’autres raisons  : parce que la France a été dans le passé et est destinée à être dès maintenant un des facteurs les plus importants de l’évolution sociale de notre espèce. »


« C’est la France qui, après avoir déchaîné sur le monde la Révolution bourgeoise, préface indispensable de la Révolution prolétarienne, a été le grand champ de bataille de la lutte de classe, mettant sans compter au service de la rédemption du travail ses héroïques insurgés de Lyon 1832, et de Paris 1848 et 1871. »


« Et nous comptons sur nos camarades français, sur le peuple de l’atelier et du champ, pour se joindre au Conseil National du Parti dans ce double cri qui n’en fait qu’un  : Vive l’Internationale  ! Vive la France  !  » 


Le but de la classe ouvrière  : un régime social contre l’exploitation et la guerre


Congrès National du Parti ouvrier  –  Limoges 1906

[La guerre étant un des effets du capitalisme, elle ne disparaitra qu’avec lui. Il n’y a lieu, ni moyen de la combattre en tant que telle.] «  On peut phraser contre la guerre, on ne saurait la supprimer dans une société basée sur les classes et leur antagonisme.  »


« Lorsque j’entends parler d’insurrection à opposer à une guerre déclarée, […] je dis que s’il y a un seul moment où elle est impossible, c’est […] lorsque le péril commun fait taire toutes les autres préoccupations. […] Si vous dites aux prolétaires que c’est pour le défendre [le capital] qu’ils vont se faire tuer, vous leur mentez. «  Demandez donc aux patrons, aux propriétaires, aux rentiers de l’Alsace s’ils ont perdu un seul centime à l’annexion [guerre franco-allemande 1870-71]. »


«  Notre devoir national, c’est de faire la révolution sociale chez nous  »


« En proposant un autre but [que celui du socialisme] à la classe ouvrière, on la détourne du véritable but […]. Ce qu’il faut dire au prolétaire, c’est  : prends le gouvernement, chasse les bourgeois du pouvoir, et la guerre aura vécu. »


« Chaque prolétariat est comptable devant le prolétariat de tous les pays de sa bourgeoisie à lui. Quand, sous prétexte d’horizons plus vastes et d’action plus décisive, vous faites oublier à la classe son champ national, sa dette envers la classe ouvrière des autres nations, vous faites encore œuvre antisocialiste et antirévolutionnaire. »

 

Considérant que «  la nation est à la fois le cadre indispensable à l’action ouvrière d’aujourd’hui et la condition de l’insurrection de demain  », Jules Guesde estime que le devoir socialiste est de la défendre quand elle est menacée.

 


 

 



Notes    (↵ Retourner au texte)
  1. 1. Caractérisation que l’on peut lire sur le socle de la statue qui lui est dédiée à Roubaix, ville dont il fut le député plusieurs décennies.

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