À la recherche d’une organisation politique élevant la conscience
Je pense que les premières images ou les premières idées que l’on se fait de son entourage ou du monde qui nous entoure ont une influence sur notre devenir d’homme. Je suis le petit dernier d’une famille de sept enfants. Mon père était laitier et ma mère femme au foyer. Je me souviens d’une enfance plutôt heureuse mais avec un agacement récurent procuré par mes frères qui piaillaient à tour de rôle « où sont mes affaires ? », je trouvais que les grands garçons comme ça, ça devait se débrouiller seul, prendre un peu d’indépendance. Nous habitions une maison de ville, louée par l’employeur de mon père, à coté de la laiterie et aussi à quelques mètres de la maison très cossue du patron. J’étais bien copain avec la petite fille du patron, mais interdiction de rentrer dans la maison, cela ne m’étonnait guère car chez certains copains d’école le jardin m’était autorisé mais pas l’accès à ces grandes maisons (aujourd’hui je dirai maisons bourgeoises). Je tirais de ceci deux conclusions, pas forcément de manière précise, l’une, il faut apprendre à se débrouiller tout seul, ne pas être dépendant, où c’est possible, l’autre, il y a deux mondes, celui des personnes « importantes » et les autres…
La première des conclusions se traduisit directement en actes. Je me débrouillais tout seul où cela était possible vu mon jeune âge et dès mes douze ans, je me mis à travailler pendant les vacances (fromager, monteur de rayons de roues de vélos, ramasseur de fruits).
Ma scolarité, un peu galère ! Je m’ennuyais un peu, ce qui n’a pas donné de bon résultats. Je vais sûrement vous surprendre mais j’ai eu la chance de faire une sixième et une cinquième de transition. Classes où étaient dirigés les élèves ne pouvant suivre la scolarité normale, en attendant d’avoir l’âge de rentrer dans un collège d’enseignement technique et d’intégrer des classes pour passer un CAP. Le prof nous faisait travailler sur des sujets divers que l’on pouvait choisir, avec recherche par les élèves et exposés devant toute la classe. Si j’ai dit chance, c’est parce que ça m’a donné le goût de rechercher, d’apprendre, et de comprendre, ou l’inverse, c’est peut-être parce que j’avais envie de comprendre et que la méthode me convenait, que ça m’a plu. De plus, comme il fallait des délégués de classe, j’ai souvent occupé cette fonction. Je pense que ça a été une étape très importante.
Par la suite, j’ai passé mon CAP de mécanicien en mécanique générale sans difficulté particulière. Quelques mois après ma scolarité, je suis rentré à la SNCF. La première année a été un peu un round d’observation, aussi bien sur le travail en lui-même que sur les syndicats et partis politiques, très présents, et puis je suis parti à l’armée pendant un an.
Très vite à mon retour de l’armée, je me syndique car je pense qu’il faut être organisé, revendication oblige, me semble t-il. Je prends l’initiative d’adhérer à la CGT alors que sont présents aussi FO et la CFDT. Ce choix est motivé par le fait qu’à l’époque la CGT se présente comme syndicat de lutte des classes, c’est ce qui a fait la différence, dans la mesure ou “les personnes importantes”, les patrons, et ceux qui travaillent pour eux, ne peuvent avoir les mêmes intérêts.
Et puis comme le cadre de l’entreprise n’est pas toute la société, je décide de m’impliquer politiquement. Peut-être de manière intuitive, mais aussi parce qu’il n y a pas grand chose d’autre dans mon entourage, c’est moi là aussi qui fait la démarche d’adhérer au PCF. J’ai dit “intuitive”, car mes idées sur le communisme ne sont que de l’ordre que du partage des richesses. Me voilà adhérent d’un parti, et au fil des années, les interrogations et questions que j’ai pu me poser demeuraient.
Les premières questions que je me suis posé et que j’ai posées ont été « qu’est ce que le communisme ? » ou « quelles différences y a t-il avec les autres partis ? ». La seule réponse que j’ai obtenue a été « lis l’Humanité ». Petit à petit, mon enthousiasme s’est évaporé. J’ai milité un peu, une des principales activités était la signature de pétitions, souvent d’ordre économique (je dirais aujourd’hui que ça faisait un peu syndicat bis). Je n’ai jamais pris de responsabilités car pour être responsable, il faut comprendre, et pour moi il était hors de question de répéter sans comprendre. En réunion de cellule, il n y avait pas d’études, et savoir de quoi on discutait, je n’en ai plus le moindre souvenir ?
Je suis resté de longues années insatisfait sans pour autant quitter le PCF. Dans la ville où j’habitais, j’avais une activité au sein de la Maison des Jeunes. À l’approche du bicentenaire de la Révolution française, on m’a proposé une étude sur cet événement. Je ne sais pas si c’était une activité politique proprement dite, toujours est-il que j’ai trouvé cela très intéressant. Par la suite, en relation avec Germinal, on m’a proposé d’étudier le Manifeste du parti communiste de Marx et Engels. Je dois bien reconnaître que cela n’a pas été simple mais au bout du compte, quelle satisfaction d’avoir quelques réponses et surtout beaucoup de nouvelles questions.
J’allais donc poursuivre d’autres études et affiner la méthode. Au bout de quelques temps, il m’a paru évident que le PCF ne pouvait être le porteur de mes aspirations communistes et j’ai donc quitté cette organisation. Depuis, j’ai étudié bon nombre de textes, lu des livres et milité sur cette base. Sans doute, on peut militer, faire d’une certaine façon de la politique sans un arrière fond théorique, mais je crois que pour faire de la politique en toute conscience, il faut s’instruire. En conclusion, je cite une phrase qui n’est pas de moi mais que je m’approprie « la théorie sans la pratique (sociale) est inefficace mais la pratique sans la théorie est aveugle ».
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