Le Monde diplomatique n° 820, juillet 2022 Compte-rendu de l’article : « FMI. Les trois lettres les plus détestées du monde » Sous-titre : “Dans les coulisses d’une machine à punir”
Le Monde diplomatique : « Un voile de mystère entoure le Fond monétaire international, dont les règles semblent fluctuer en fonction des motivations politiques : austérité draconienne pour les uns, générosité sans borne pour les autres ».
Cet article rappelle la genèse de l’institution du FMI, créée en même temps que la Banque Mondiale à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Les objectifs affichés : éviter que les désordres économiques internationaux [du régime capitaliste] ne déclenchent de nouveaux conflits, en « coordonnant les politiques monétaires » dans le cadre de la reconstruction, en venant en aide aux pays en manque de devises par l’intermédiaire d’une Banque commune à laquelle les membres abondent. Deux fonctions pour le FMI : surveiller et assister les différents pays, ce qui revient à leur dicter leur conduite lors des difficultés qu’ils affrontent. Une fois par an, tous les pays membres reçoivent une mission du FMI pour « discuter de leur situation économique dans le cadre de notre surveillance régulière ».
Sans entrer dans le détail de la création et des crises qui ont affecté le FMI, signalons que la France est elle aussi assujettie à ces “surveillances” et “conseils”, les équipes sont directement reçues par les ministres des Finances et le gouverneur de la Banque centrale. [Ainsi le 22 janvier 2022, le gouvernement a été invité à mettre en œuvre la réforme des retraites, tout en notant « l’opposition populaire » à cette réforme]. Certains pays sont sous surveillance intensive, comme la Grèce en 2007.
Une partie de “l’assistance” consiste en « conseils techniques”, qui ressemblent beaucoup à une tutelle pour certains pays : aide informatique, écriture de rapports à la place des responsables. Elle consiste plus généralement en prêts assortis de conditions draconiennes : le FMI ne prête que sur la base d’un programme d’ajustement imposé aux pays membres demandeurs. « On n’est pas là pour faire de la charité » (Strauss Kahn).
La conditionnalité des prêts peut concerner la réduction des fonctionnaires, la réforme des entreprises publiques, le système de sécurité sociale, les privatisations, à coup de mesures d’une extrême sévérité, sans anesthésie, « une chirurgie de guerre » (Michel Camdessus). Pour le FMI, la « maladie financière ne s’attaque qu’à des sujets déjà malades qu’il convient d’opérer ». Ainsi en 1998, le président indonésien Suharto s’est vu contraint d’abandonner la souveraineté économique de son pays en échange de l’aide du FMI. Les aides et les conditions auxquelles elles sont soumises se passent le plus souvent sans consultation des Parlements. Ceci avant même d’avoir reçu les fonds. Les décisions du Conseil d’administration évitent le passage au vote jusqu’à ce que l’unanimité soit garantie. Les oppositions ne peuvent être formulés qu’oralement, quitte à être sanctionnées par la « capacité de nuisance des États-Unis »1.
Les États-Unis jouent un rôle prépondérant dans le conseil d’administration, en fonction des montants qu’ils versent au FMI. Ils sont les seuls à disposer d’un droit de veto. Et seuls quelques pays disposent d’une voix propre : France, Royaume-Uni, Allemagne (1960), Japon (1970), Chine (1980). D’autres pays groupés sans cohérence géographique ne disposent que de porte-paroles via des directeurs exécutifs.
En 2008, Kiev avait sollicité l’aide du FMI moyennant une dose d’austérité insupportable, le Président Ianoukovitch avait refusé, le FMI avait alors supprimé ses versements. La Russie proposait alors un prêt de 3 milliards d’euros. À la suite de la “révolution” de Maidan, Ianoukovitch sera renversé en 2014, dès lors un prêt sera accordé à l’Ukraine par le FMI en 2015 (réduction de 20 % de la dette privée, échelonnement des remboursements). L’Ukraine est cependant déclarée en arriéré de paiements à un créditeur souverain (la Russie). Les règles du FMI dans ce cas devraient interdire la poursuite des versements du FMI. La règle se trouve modifiée, Kiev a fait défaut sur sa dette à l’égard de Moscou, mais le FMI continue à lui prêter assistance. (Il n’en a pas été de même pour la Grèce).
1. En 2000, Joseph Stiglitz qualifiait ainsi le FMI : « Si l’on examine le FMI comme si son objectif était de servir les intérêts de la communauté financière, on trouve un sens à des actes qui, sans cela, paraissent contradictoires et intellectuellement incohérents ».
À noter qu’une pseudo réforme du FMI avait eu lieu en 2010, avec léger changement du rapport de forces dans les votes : États-Unis de 16,7 % à 16,5 % ; Chine de 3,8 à 6, Inde de 2,3 à 2,6. Il faudra six ans pour que le Congrès américain donne son feu vert. Dès lors, la Chine et plusieurs pays asiatiques et du Sud multiplient les initiatives visant à créer de nouvelles institutions monétaires. La moitié de la dette des pays pauvres est désormais due à la Chine.
En 2020, la dette mondiale, publique et privée a bondi de 28 % pour atteindre 256 % du PIB global. « C’est un peu comme si l’incendie s’était décuplé alors que le diamètre de la lance des pompiers n’avait pas changé ».