Les mots et l’histoire « Mondialisation » et remise au premier plan des rivalités impérialistes
Pour comprendre la situation historique dans laquelle on se trouve, certaines notions aident à se repérer. D’autres au contraire contribuent à masquer les données de la réalité, c’est le cas d’un mot mis en avant depuis plusieurs années, celui de « mondialisation », puis celui « d’altermondialisation », mots qui ont refoulé à l’arrière plan des notions qui donnaient à voir quelles sont les contradictions principales du monde : contradictions de classes, contradictions entre puissances.
« Mondialisation » ou logique antagonique du capitalisme dans sa phase impérialiste
Ce n’est que depuis la fin de l’Union Soviétique que les mots mondialisation, anti-mondialisation, puis alter mondialisation, se sont largement répandus. Ils ont servi à refouler une catégorie d’analyse couramment utilisée avant la première guerre mondiale, celle d’impérialisme, qui on le verra, permettait de mieux comprendre les enjeux et conflits en oeuvre dans le monde capitaliste..
Avant la fin de l’Union Soviétique, on parlait surtout de l’existence de « deux camps », définis en termes d’opposition entre régimes sociaux : le camp capitaliste, le camp socialiste ou communiste. Les enjeux pour les peuples étaient relativement clairs. Ces deux régimes, chacun de leur côté, se présentaient comme relativement unifiés au regard de leur logique de base : loi de l’échange marchand et du profit pour l’un, principe de la satisfaction des besoins humains pour l’autre.
Avec l’affaiblissement du camp socialiste puis sa défaite, on se plut à dire, dans le camp adverse, que du côté communiste l’unité n’avait été que fictive. C’était vrai dans une certaine mesure, mais cela permettait de dissimuler l’évolution du pôle capitaliste, devenu seul à imposer sa loi. On faisait mine de considérer que de ce côté il n’y avait pas de division, de rivalités. Pourtant, dans cette grande lutte de classe historique, qui comme toute lutte de classes se déroule à l’échelon des siècles, la défaite à un moment donné du socialisme au plan mondial, ne pouvait que raviver les contradictions au sein du camp capitaliste.
L’unification relative du capitalisme dépendait en effet, pour partie, de son opposition au camp socialiste. Maintenant qu’il n’y a plus qu’un seul camp, qu’un seul monde, les différentes puissances capitalistes n’ont plus besoin d’affirmer une unité de façade (puisque celle-ci reposait sur la nécessité de vaincre leur adversaire commun : le socialisme). Comme c’était le cas avant la révolution de 1917, on en est revenu à la logique capitaliste « ordinaire ». Celle-ci repose toujours sur la concurrence, la rivalité. Quelques spécialistes bourgeois le reconnaissent d’ailleurs. Certains soulignent que depuis la révolution soviétique, le processus de « globalisation de l’économie, né à la fin du XIXe siècle », avait été détruit. Mais que, maintenant que le régime socialiste a disparu, « des conflits internationaux majeurs » risquent de réapparaître, « fractionnant en divers blocs » l’univers capitaliste. Ce qu’on appelle mondialisation n’est ainsi rien d’autre que la marche ordinaire du capitalisme lorsqu’il se croit délivré de l’hypothèque socialiste.
A l’échelon de l’histoire, la marche du capitalisme est une succession de crises, de conflits entre puissances, de guerres. Avant la révolution soviétique, dans la mesure où il n’existait qu’un monde, celui du capitalisme, il n’y avait qu’un unique marché mondial. Sur cet unique marché mondial, la lutte ne se déroulait qu’entre capitalistes et entre puissances impérialistes. C’est de nouveau vrai aujourd’hui, mais à une échelle beaucoup plus grande. La lutte pour conquérir des positions sur cet unique marché ne signifie pas unité, les règles du marché capitaliste portent sans cesse aux conflits, aux guerres. Les contradictions entre capitaux et puissances sont aujourd’hui décuplées. De sorte que le mot de « mondialisation », qui semble poser qu’une unité s’instaure entre les diverses puissances du monde, ne reflète pas correctement la réalité.
Pour schématiser l’évolution historique de la fin du XIXe siècle à aujourd’hui, on peut distinguer les phases suivantes :
– Avant la première guerre mondiale et la révolution soviétique, il n’y avait, comme aujourd’hui, qu’un seul monde, celui du capitalisme impérialiste avec des puissances en rivalité. Les contradictions à l’œuvre au sein de ce monde ont abouti à la première guerre mondiale, mais aussi à la révolution soviétique.
– Avec la révolution soviétique, il n’y a plus un seul monde, mais deux : le monde capitaliste et le monde socialiste, ceci pendant plus de soixante-dix années. Ces deux mondes ne reposent pas sur les mêmes bases économiques. Il y a tendance à l’unification des deux côtés et le maintien de chaque « monde » suppose la nécessité de lutter contre le principe qui régit le monde adverse. Dans le cours de cette lutte, le camp capitaliste est parvenu à l’emporter pour un temps. Dans la durée historique cela ne signifie ni qu’il a triomphé à jamais, ni qu’il soit « le meilleur ».
– Depuis la fin de l’Union soviétique, il n’y a de nouveau qu’un seul monde capitaliste impérialiste. La logique de ce monde conduit de nouveau à la lutte entre puissances rivales. On peut cependant rappeler que cette rivalité avait conduit à la première guerre mondiale, ébranlant la légitimité historique du capitalisme. Ce combat, en relation avec la lutte de classes, avait aussi produit les conditions d’une révolution « qui ébranla le monde », la révolution soviétique, et à l’édification du socialisme. Ce mouvement fut encore amplifié après la Seconde Guerre mondiale. On pourrait croire que depuis la victoire du capitalisme la lutte contre le communisme a cessé. Il n’en est rien. Il n’est qu’à voir les procès en criminalisation qui sont faits à l’expérience socialiste, pour comprendre que les idéologues capitalistes redoutent toujours, à juste titre, que puissent se reconstituer des perspectives historiques d’émancipation pour les classes populaires. Et ceci d’autant plus que le régime capitaliste entre de nouveau dans une phase de crise générale, crise aggravée avec l’entrée en lice de nouvelles puissances mondiales.
Plus d’un siècle de lutte de classes et d’affrontements entre puissances capitalistes
Le processus d’extension du capitalisme à l’échelle mondiale, on l’a dit, n’est pas un phénomène nouveau. Déjà en 1850, des économistes libéraux évoquaient ce processus irrépressible de « l’échange universel » qui s’étendait à toute la terre, contre les « barrières artificielles des frontières, des nations ». On parlait déjà aussi des rivalités que ce processus induisait, et notamment de la lutte pour la « préférence des marchés ».
En France du côté des courants socialistes, sans même avoir encore le secours de Marx, on s’opposait à cette logique, en montrant que la concurrence « élevée à l’échelon universel », ne pouvait résoudre ce qu’elle ne parvenait pas à résoudre à l’échelon d’une nation. On mettait déjà en garde contre ce « pouvoir du marché », qui était devenu « le véritable souverain », et qui menaçait de conduire à des catastrophes. La catastrophe prévisible n’était pas imputée à une puissance particulière (comme aujourd’hui les Etats-Unis), mais au fondement même du régime marchand capitaliste, et à son anarchie. La nécessité de travailler à établir un nouveau régime social, régi par d’autres rapports économiques, était affirmée. Cela se nommait le socialisme ou le communisme, et non « l’alter mondialisme ». Ce socialisme ne se définissait pas comme un voeu pieux, un souhait, mais comme seul mode de résolution effective des contradictions du capitalisme par la transformation de la base économique de la société..
Tout au long du XIXe siècle, les socialistes et communistes d’alors mettaient ainsi à nu les contradictions du régime capitaliste. Marx par son travail théorique permit de révéler pourquoi le capitalisme ne pouvait surmonter les contradictions qui le minaient. Cela eut une grande implication pour comprendre la seule manière de les résoudre. Faute de la transformation de la base économique du régime, l’évolution impérialiste du capitalisme à la fin du XIXe siècle, devait conduire à l’exacerbation de ses contradictions, rendant plus nécessaire que jamais la transformation de la base la société. Les socialistes et communistes d’alors en étaient pleinement conscients.
L’existence de l’Union soviétique, puis l’édification du socialisme sur une grande partie du monde, ne fit pas disparaître les rivalités entre capitaux et puissances du côté capitaliste. Elle en restreignit seulement le champ mondial d’application et les contraignit à une certaine retenue dans leurs affrontements, au moins pour un temps. L’existence du socialisme limita aussi la liberté de manoeuvre des différentes classes exploiteuses, qui redoutaient que les forces populaires encouragées par la révolution, ne viennent à remettre en cause la légitimité de leur domination. Empêtrées par leurs propres crises, les classes exploiteuse eurent recours à des tactiques de lutte frontale, mais aussi de contournement du mouvement populaire. Notamment, lors des périodes de crise, en feignant de se mettre sur le terrain du socialisme. (Il ne faut pas oublier que les fascistes ont essayé de se présenter comme socialistes et révolutionnaires, comme le fit le parti nazi – ou Parti National Socialiste – pour tenter de séduire les masses, et aussi pour affaiblir ou d’abattre leurs rivaux capitalistes).
Au cours de la période de l’entre-deux-guerres, ce qu’on appelle aujourd’hui « mondialisation », pouvait être appelé « l’interdépendance » économique entre pays capitalistes (et au sein de la finance internationale). On estimait comme aujourd’hui que la « régulation » de l’ordre mondial par l’économie devait conduire à une dissolution des formations nationales. Cette notion d’interdépendance masquait la réalité des rivalités capitalistes et impérialistes. Il en est de même avec la notion de « mondialisation ».
La situation mondiale de l’entre deux guerres était complexe. Aux rivalités entre puissances capitalistes, s’ajoutait la contradiction entre deux régimes sociaux : capitalisme et socialisme. Ces contradictions devaient conduire à la seconde guerre mondiale, avec la division du camp capitaliste en deux fractions : l’une (Angleterre, USA, résistance française) conclut une alliance avec l’Union Soviétique, pour combattre le camp fasciste. L’alliance fut de courte durée. Une fois le conflit entre puissances momentanément tranché, le bloc des puissances capitalistes se reconstitua contre le « camp » socialiste. Les différentes puissances capitalistes restaient prudentes vis-à-vis des classes populaires, craignant qu’elles ne soient tentées par la solution socialiste. Quelques avantages leur furent alors octroyés (notamment sécurité sociale, retraites, régime général de chômage indemnisé).
Maintenant que l’adversaire commun, le régime socialiste a été momentanément battu, que l’unité du camp contre son ennemi communiste, n’est plus une exigence vitale pour sa survie, plus rien ne contraint à accorder aux masses populaires les quelques avantages qu’on lui avait concédés, on travaille à les supprimer. De plus la concurrence exacerbée entre capitaux n’autorise plus les différentes puissances à se payer le luxe de soigner leur base populaire. Elles s’alignent sur la logique « normale » du capitalisme. Au plan des contradictions entre puissances, plus rien non plus ne les oblige maintenant à se soumettre au champion de la défense du monde capitaliste d’hier : les États-Unis. Elles n’en ont plus besoin puisque le l’ennemi socialiste est supposé abattu. À fin de défendre leurs propres intérêts, beaucoup de ces puissances sont entrées en lutte avec ce qu’elles nomment la « superpuissance » américaine. Cela s’est passé d’abord souterrainement, plus de plus en plus ouvertement.
« Mondialisation », un mot aidant à masquer la nature des conflits. La large diffusion du mot « mondialisation » correspond à cette nouvelle situation. Avec la défaite du camp socialiste et communiste, son usage a permis de faire oublier l’opposition entre capitalisme et socialisme (au plan des régimes sociaux et des rapports de classe), en leur substituant une fausse alternative entre mondialisation et alter mondialisation. Le mot sert aussi à dissimuler la réalité de la lutte entre camps capitalistes rivaux. En outre, dans le contexte de cette rivalité, le mot mondialisation est presque devenu synonyme de puissance américaine. Cela permet d’oublier que les différentes puissances d’Europe sont tout aussi capitalistes, et ceci depuis plusieurs siècles (et pas seulement parce que les États-Unis le leur imposeraient). À « l’empire du mal » soviétique ont a fait succéder « l’empire du mal » américain, sans s’interroger sur la base économique commune qui régit aussi bien Europe que les États-Unis. Pour la plupart des forces politiques des grands pays d’Europe, à droite comme à gauche, les États-Unis sont ainsi devenus l’ennemi principal auquel on s’imagine pouvoir opposer le « chevalier blanc » de l’Europe, ou « l’altermondialisme ». Cela interdit d’analyser les jeux en cours entre diverses puissances, leurs rivalités y compris au sein de l’Europe, le fait que certaines d’entre elles visent à prendre la place qu’occupaient les États- Unis. Et cela n’a rien à voir avec les intérêts des classes populaires qu’on cherche à manipuler, enrôler dans un combat qui n’est pas le leur. Celles-ci en effet ont à s’opposer à la logique du régime capitaliste, non à un « camp » particulier pour le profit de l’autre.
Dissimuler les ambitions impérialistes de « l’Europe » en désignant un ennemi extérieur ?
Si l’on n’analyse de près la thèse de « l’ennemi principal » (sous-entendu les Etats-Unis), on s’aperçoit que cette thèse vise à dénoncer la tutelle supposée des pays d’Europe par les Etats-Unis. Ce refrain était déjà à la mode dans l’entre-deux-guerres, comme durant de la seconde guerre mondiale, alors que l’Europe était sous le joug allemand. On dénonçait alors le règne de « l’impérialiste yankee », la « vassalisation » auquel il était censé soumettre l’Europe. On exigeait sa « dévassalisation ». Cela permettait comme aujourd’hui de dissimuler que les rivalités entre puissances européennes étaient centrales, comme elle l’étaient avant la guerre de 14. Certains alors avaient cherché à masquer de telles rivalités, en parlant du danger que constituait la « montée en puissance de l’économie américaine ». En 1916, en pleine guerre d’affrontements entre les grandes puissances d’Europe, l’empereur Guillaume II n’affirmait-il pas que les peuples devaient cesser de travailler comme des esclaves pour « la race des maîtres Anglo-Saxons », qui selon lui, voulaient « asservir la liberté de l’Europe ».
Une guerre mondiale plus tard, cette pseudo libération dut s’accommoder de la soumission à l’hégémonie allemande, au nom de cette même « liberté européenne ». On utilisait des formules, qui ressemblent à celle d’aujourd’hui, stigmatisant « l’hégémonie américaine », qui faisait peser « sa menace sur le monde », dénonçant le « bellicisme » de Roosevelt. Face à cette menace posée comme étant le seul mal existant sur terre, on enjoignait aux peuples de se soumettre à la puissance occupante, pour mener la guerre contre les puissances « anglo-saxonnes », et contre l’URSS. Pour légitimer la montée en puissance de cette « Europe européenne », sous direction allemande, on parlait aussi « d’anticapitalisme », de lutte contre le « capital international », contre la « finance mondiale ». Hitler lui-même ne parlait-il pas de la nécessité de combattre ce « capital international » (c’est-à-dire anglo-américain).
La collaboration au sein de « l’Europe européenne », au nom de la « dévassalisation » à l’égard des États-Unis, impliquait comme aujourd’hui, que l’on détruise les nations, les « barrières nationales », ce qu’on appelait le « nationalisme hystérique et borné ». On exigeait des peuples qu’ils relèguent leurs « idées nationalistes étroites » qui empêchaient la grande puissance Europe de se constituer. Faut-il rappeler que l’Europe n’était pas pour autant unie, la guerre interne se poursuivait, jusqu’à la reconquête d’une certaine indépendance des nations après la victoire des Alliés. Indépendance qui fut cependant de courte durée, puisque l’idée de reconstituer une puissance européenne s’imposa de nouveau, toujours contre les nations et les peuples.
« L’essence de l’impérialisme », « stade suprême du capitalisme » : la rivalité entre puissances
La notion de mondialisation, comme celle d’altermondialisation (ou d’Union Européenne), ne favorise pas le développement de la conscience, car elle contribue à dissimuler les principaux enjeux économiques et sociaux de toute une époque, aussi bien les contradictions de classe que les contradictions entre puissances capitalistes. Cette notion détourne les classes populaires des objectifs de leur lutte, et ne les prépare pas à affronter les crises mondiales qui se développent.
Il arrive cependant qu’à côté du terme de mondialisation, ou à sa place, certaines organisations qui se présentent comme « révolutionnaires » utilisent le mot d’impérialisme. L’usage de ce mot dans leur cas, n’est pas référé à la théorie de l’impérialisme, il sert seulement à dénoncer le grand rival américain, qu’on présente comme s’il était à lui seul « L’Impérialisme ». Ces mêmes organisations peuvent y ajouter les mots de lutte de classes, d’anticapitalisme, de révolution. Certains à l’extrême gauche notamment, mais cela peut être aussi à l’extrême droite, cachent leurs objectifs derrière ces mots « révolutionnaires », dans le seul but d’orienter des populations désorganisées dans le combat contre l’impérialisme concurrent. Les mêmes encore travaillent à détruire les formes unitaires d’organisation politique des classes populaires, en exaltant la « multitude » « nomade », sur le seul critère de son opposition à l’empire américain. Pour ce combat exclusif, certains font même mine de s’opposer à l’Europe, uniquement parce qu’ils estiment que l’Europe ne s’oppose pas assez vigoureusement aux États-Unis.
Lorsque ces courants, qui ne sont nullement préoccupés par les intérêts des classes populaires, utilisent le mot d’impérialisme il ne se réfèrent pas à l’analyse à laquelle le mot renvoie, analyse forgée à la fin du XIXe siècle par différents théoriciens, puis par Lénine. Le concept d’impérialisme est en effet une catégorie d’analyse historique et non un simple mot. Il permet de caractériser l’évolution du capitalisme à une époque déterminée, époque qui n’est pas encore achevée. Une telle analyse permet de rendre compte non seulement des tendances à l’oeuvre dans le passé et le présent, mais aussi de ce qui peut se développer dans le futur. En tant que catégorie historique, l’impérialisme constitue une phase historique de développement du régime marchand capitaliste, où se manifeste l’exacerbation des contradictions capitalistes et des oppositions inconciliables entre plusieurs impérialistes. Cette phase impérialiste crée les conditions de la guerre entre puissances, mais aussi les conditions d’instauration d’un nouveau régime social : le socialisme.
Sous un certain angle, le déploiement impérialiste du capitaliste (notamment au regard du développement des forces productives et de leur socialisation forcée), est aussi comme le disait Lénine « l’antichambre du socialisme ». Mais de cela il n’est pas question pour ceux qui utilisent le mot, seulement pour les besoins de leur propre combat. Dans sa théorisation de l’époque impérialiste, Lénine avait pourtant mis au premier plan « la lutte entre groupements capitalistes ». Il insistait sur le fait que cette lutte révélait « le sens historique et économique des événements en cours » (ceux de l’affrontement entre puissances, lors de la Première Guerre mondiale). Les formes de la lutte peuvent changer et changent constamment, indiquait-il, mais le sens de la lutte, son contenu de classe, ne change pas tant que les classes existent. Il s’opposait ainsi à l’idée, aujourd’hui répandue, de la possibilité d’un seul « super impérialisme », et montrait que les alliances pacifiques entre puissances n’étaient pas durables et recouvraient toujours un conflit plus ou moins aigu. Même si une seule puissance pouvait paraître dominer à un moment donné, cela ne modifiait ni leur rivalité, ni la fragilité des alliances conclues, toujours mouvantes en fonction des intérêts propres de chacune d’entre elles. Il montrait aussi que l’impérialisme induisait des transformations au sein des structures sociales et des formes de lutte des différentes classes, aussi bien dans les métropoles capitalistes que dans la périphérie. La rivalité entre puissances pouvait notamment conduire à modifier le caractère des luttes. Ainsi, le fait que des luttes se présentent comme luttes « révolutionnaires » ou de « libération », pouvait se révéler trompeur, et dans certaines conditions servir les buts réactionnaires de telle ou telle puissance dans son combat contre une autre.
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