Témoignages : Pourquoi je ne m’intéresse pas, ou plus, à la politique ?
Témoignages : Pourquoi je ne m’intéresse pas, ou plus, à la politique ?
Ce qu’on voudrait tous, c’est aller vers une société plus juste, l’égalité. Je suis ouvrier dans la métallurgie, j’ai été militant, j’avais beaucoup d’espoir de changement de la vie dans les entreprises et dans la société, mais maintenant c’est très dur, les gens sont devenus moins combatifs, ils s’étaient cru embourgeoisés, et cela été le tournant de l’histoire sociale. Et puis plouf, on s’aperçoit que c’était un mirage, mais c’est trop tard, on est au bout du rouleau. Il y en a qui espèrent encore pouvoir s’en tirer tout seuls, ou alors il n’y a plus du tout d’espoir. On a eu de plus en plus de mal à entraîner les gens dans des luttes, et plus question de vues dures quand on est dans le privé. Et puis il y a eu beaucoup de luttes qui n’ont rien apporté, ou ce qui a été apporté a été tout de suite repris dans les années qui ont suivi. Il n’y a pas eu assez d’opposition entre ce qu’on nous a repris et ce qui avait été donné. Et puis pour beaucoup de gens, la politique ça fait peur, je ne sais pas pourquoi. Mais c’est entretenu par ceux qui la font. On a peur de se mouiller, cela va déjà si mal, et on ne croit pas que ça va apporter quelque chose. La gauche, les programmes n’ont jamais été appliqués, la raison c’était qu’on ne pouvait rien faire contre l’économie, la seule chose qui aurait changé, ç’aurait été de s’emparer du capital. Mais au fond ce qu’on voudrait tous, c’est aller vers une société plus juste, ça ressemble à une phrase toute faite, mais c’est bien de cela qu’il s’agit. Au fond rien n’a changé, il y a toujours les ouvriers, c’est ce qu’on est les prolétaires, et de l’autre côté, les capitalistes. On voudrait une société où il n’y a plus de gens qui ont faim et soient privés de travail, on a encore l’espoir de créer une société où tout cela soit fini. Il faudrait la démocratie, mais surtout si ça veut dire l’égalité.
Je travaille pour faire l’entretien dans un établissement (public).
Je ne suis pas quelqu’un de fervent de la politique. Disons sincèrement je me dis que c’est blanc bonnet et bonnet blanc malheureusement, et cela ne m’intéresse plus. D’ailleurs, il y a longtemps que je travaille, toujours travailler, toujours payé pareil, ça ne change pas. Peut-être quand la gauche est passée, il y avait eu un peu plus, non je ne peux même pas dire. Mais c’est vrai que la politique n’intéresse plus parce que pour moi c’est tous les guignols qui passent à la télé, c’est tous des comédiens. Cela dit, je dois aller voter, mais je ne sais même pas pour qui voter, alors que je suis d’une famille socialiste, très socialiste, j’avais mon beau-frère qui était au PS, mon père qui est décédé, j’avais 10 ans, c’était aussi un fervent du socialisme. Mon mari aussi a été écoeuré, lui c’était plus communiste, il travaille en imprimerie, il s’occupait beaucoup, il faisait délégué syndical. Il a arrêté. Il y a trop de crédits, ce n’était pas la peine, les gens ne suivent plus après, parce qu’ils ont trop de dettes, donc les grèves et tout ça, y a plus personne qui veut suivre. Il a été longtemps au parti communiste, il y est toujours d’ailleurs, mais plus délégué syndical. Bon, moi la politique, je dis on a mangé notre pain blanc, maintenant on pense tous les deux à la retraite et faire notre petit bonhomme de chemin, ce qui nous restera vivre, mais ne plus se faire de soucis (politiques), de toute manière cela ne changera rien. Quand j’étais jeune j’étais un peu plus virulente, quand on vieillit le changement qu’il y a eu (on le regarde), et il n’y a jamais eu de changement, car on nous donne un côté pour nous le retirer de l’autre. Il y a trop d’injustice.
Ouvrier dans une usine de jouets (menacée de fermeture) :
La politique, maintenant je suis « écoeuré », ça change quoi ? La politique si c’était pour l’égalité oui, mais chacun fait pour lui-même. Même les cheminots, quand ils disent 37 ans 1⁄2 pour tous, qu’il faut être solidaires, que c’est la « communauté de nos intérêts », c’est il y a dix ans (1993) qu’il fallait le dire, et le faire, alors on était seuls, ça n’a pas débrayé pour nous. On savait qu’on était les premiers attaqués et qu’après ils devraient payer aussi. La solidarité ! fallait nous défendre à ce moment, maintenant on va mettre tout le monde dans le même sac. Je ne le dis pas, parce que je suis syndiqué, mais EDF, SNCF, les fonctionnaires, j’ai rien contre, qu’ils défendent leurs intérêts, mais il y a des fois j’ai envie de dire : eh bien qu’on privatise tout ça à fond, ils verront la solidarité ! C’est comme en 95, « tous ensemble », « grève par procuration », « grève par procuration », mais nous on n’a rien obtenu. La division c’est sûr qu’on nous y pousse en haut, mais il faut voir aussi qu’on n’est pas dans la même situation. Sinon c’est hypocrite. La moitié que l’Etat paie, enfin pas vraiment la moitié, c’est forcément sur l’autre moitié que c’est pris, et ce qu’ils gagnent ça se répercute. Et puis de ce côté, nous on a le couteau sous la gorge, c’est même pas la retraite, c’est le lendemain. L’égalité ! Alors faut voir ce que c’est que l’égalité ! Je suis pas pour diviser, mais pour l’unité, qu’on voie ce que c’est, pas de grandes phrases. Il disent que le pays est riche pour financer leurs retraites, c’est vrai. Mais c’est pas pour nous, il faut quand même voir, c’est des mots. Est-ce qu’ils voient où on en est vraiment en France, c’est pas comme il y a vingt ans, la concurrence, les fermetures, les délocalisations. Même si je ne suis pas d’accord avec Sarkozy, c’est vrai qu’on peut pas distribuer à tous si on ne produit pas dans le pays, ça il faut le voir. Même s’il y en a qui s’en mettent dans les poches, le problème reste. Alors pour l’instant la politique, je mets de côté.
Jeune ouvrier :
C’est vrai qu’on a tendance à rejeter la politique en disant un seul mot : « c’est pourri ». La politique c’est rien d’autre qu’une idéologie où les masses se confondent, ça forme des ensembles où par exemple chacun essaie de voir son intérêt et son bien-être. Mais la paix est menacée par tous les intérêts qui se combattent. Les communistes, ça se définissait par « défendre l’ouvrier », défendre la masse défavorisée. Il les défendent peut-être, mais pour moi c’est lointain, ils font trop de politique, c’est-à-dire qu’il arrive qu’ils défendent les ouvriers, mais seulement pour eux, pour leurs idées, ou des choses qui sont pour eux seulement. La vraie politique pour moi, ce serait la justice, l’égalité, si simplement ces deux mots étaient tenus, on aurait franchi un grand pas.
Employée.
C’est vrai que ça serait important la politique pour notre avenir, mais je m’y intéresse pas, parce qu’il n’y a rien qui change plus ou moins. Peut-être que je devrais m’y intéresser pour mes enfants. En vieillissant je m’interroge un peu plus qu’avant. Ce sont plus les hommes qui s’intéressent à la politique, il y a moins de femmes quand même. Je trouve que c’est souvent les milieux comme nous, un milieu bas social, je trouve qu’on s’intéresse moins à la politique. Tandis que mon fils qui a été longtemps à l’école, il va s’intéresser plus facilement à la politique qu’un simple ouvrier. C’est peut-être parce qu’on côtoie plus de gens quand on va l’école, on a plus le temps que quand on travaille, donc c’est un peu ça, on côtoie des personnes différentes, tandis qu’au travail vous côtoyez plus ou moins les mêmes personnes, des personnes qui ne s’intéressent pas à la politique, alors on ne va pas leur parler politique. Tandis que dans les universités, c’est des personnes différentes, des milieux différents, nous on vient à peu près tous du même milieu, si on n’est pas monté au-dessus, pas fait les grandes écoles quoi, on ne peut pas s’intéresser beaucoup à la politique, c’est vrai j’essaie mais ce n’est pas évident. Et mon mari ne s’intéresse pas trop la politique, il faut avoir quelqu’un avec qui communiquer pour la politique, parce que si on ne peut pas donner son avis, ça reste en plan, donc ça n’intéresse pas mon mari, ou alors il faudrait être d’un parti, mais lequel, savoir quel parti ?, c’est comme l’histoire de faire partie d’un syndicat, lequel est le bon comment on peut savoir. Quand quelqu’un me rapporte ses idées, il a ses propres idées, il va me parler et il a déjà choisi son candidat, c’est pour ça qu’il faut parler avec plusieurs personnes différentes. Autour de moi, déjà mon fils à ses idées, et même mon dernier fils il voulait lui donner ses propres idées, alors je lui dis : « non tu ne dois pas lui donner, il faut que ce soit de lui-même qu’il choisisse », c’est un peu ça la politique hein ! J’aimerais m’y intéresser, mais comment faire, pour s’intéresser il faudrait lire beaucoup pour comprendre.
Ouvrier maçon :
La plupart dans la boîte on gagne à peine un peu plus du SMIC. Avant, le patron ne pouvait pas faire ce qu’il voulait, on avait des points d’appui avec les syndicats, maintenant le patronat a repris le dessus partout. La politique, je sais pas bien où ça mène. Il y a trop de partis dans la politique, chacun défend ses droits, chacun est bien assis et ne pense qu’à sa place, pas aux autres, ou alors ils font semblant de défendre ceux qui ont la même opinion. Il devrait y avoir moins de partis ça irait mieux pour tout le monde. Il y a les riches et les pauvres, là c’est des catégories qui existent, même s’il y en a qui pensent que ça n’existe pas, c’est sur ces questions qu’il faudrait défendre des choses. Je crois pas qu’il faut se buter sur un parti. Mais les gens qui font de la politique le font pour se faire valoir, pour se faire intégrer dans la société avec les enfants. Je connais un militant un jeune, sans examen, il est secrétaire de mairie. Dans la commune il y a des inimitiés à cause de cartes syndicales, des choses comme ça c’est aussi cela qui me dérange la politique, il y a des gens qui ne sont pas sincères et font de la politique juste pour leur bien.
Ouvrière.
Je m’intéresse un petit peu à la politique, dans les périodes d’élection, aussi un peu en dehors, j’écoute quand même, c’est important de savoir. Pour les enfants, j’essaie de juger ce que j’entends par rapport à ce qui peut leur arriver plus tard. Et puis, il faut quand même savoir comment on est géré, si on est bien géré ou pas, la politique c’est aussi l’argent, ce qu’on fait de l’argent, ce qu’on touche, l’argent parce qu’on bosse et on doit savoir pourquoi on bosse, qui nous dirige et pourquoi, où ça va, voilà quoi. Quand j’étais petite, je ne m’intéressais pas à la politique, j’allais avec ma mère dans les manifestations, mais bon j’étais jeune. C’était un autre monde, j’entrais dans un autre monde qui n’était pas forcément du mien. Et puis avec la vie du travail, avec les enfants je m’y intéresse un peu plus, mais je ne suis pas fana non plus de la politique, mais c’est important quand même. La gestion du pays et à tous les niveaux, l’argent, ce qu’on en fait, c’est quand même eux qui nous dirigent quoi, nous on dirige notre vie, mais indirectement, ils en font partie de ce qu’est cette vie. Quelque part aussi ça serait l’anarchie si on n’avait pas quelqu’un pour orienter, diriger. C’est comme nos enfants, s’ils ne nous avaient pas au- dessus, si on n’avait pas non plus quelqu’un au-dessus, ce ne serait pas forcément bien. On doit être au courant je pense, savoir quand même qui s’occupe de telles choses. Quand on te donne une loi, pourquoi on va faire ça comme ça et pas autrement, c’est quand même eux, même si c’est toi qui vote pour eux, C’est eux qui dirigent, tu dois quand même savoir ce qu’ils font et pourquoi, c’est dans ce sens que je m’y intéresse à la politique. Mais faire de la politique pour moi, non cela ne m’intéresse pas. Celui qui dirige les autres, même s’il a besoin des voix et des gens, c’est lui qui est à la base de pas mal de choses. Si ça se passe bien, je n’ai pas besoin moi de faire de la politique, on a tous besoin d’avoir quelqu’un pour diriger, que ce soit comme un patron ou un chef, mais à côté de ça diriger c’est quand même assez lourd, parce que si ça va bien tant mieux, si ça ne va pas (le dirigeant) il se prend tout. La politique c’est pareil, tu as une manifestation, les gens ne sont pas contents donc, pour être confronté à ça, cela ne m’intéresse pas vraiment.
Enseignante
Je suis ce qu’on appelle dépolitisée, il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas dans la situation actuelle, et je crains de suivre une mauvaise direction. Pourtant je défends des principes, l’égalité, les droits sociaux, le bien public. Mais rien dans ce qui est proposé ne correspond. C’est toujours pour condamner, être contre tout, jamais pour dire vers quoi on pourrait se diriger. Dans les Universités, ceux qui bloquent, souvent avec violences, des petits groupes qui vous agressent, je ne pense pas que ça vise à améliorer les choses. Je ressens un malaise en voyant des étudiants et enseignants, qui se disent à gauche, accaparer la parole, empêcher les autres de parler. Si on les critique, on est violemment agressé, on reste passif, parce qu’on a « peur », mais ça accumule de la rancœur. Et finalement parmi ceux que l’on empêche de parler, que l’on méprise, il y en a qui voteront pour la droite, ou même l’extrême droite. Ceux qui parlent haut font comme s’ils étaient nécessairement dans le vrai, qu’ils défendaient vraiment le bien général. Se contenter d’être contre un parti, contre une personne, ça ne veut pas dire qu’on défend le bien du peuple, qu’on représente la grande majorité. Cela va à l’encontre de la réunion de tous les gens honnêtes pour vraiment défendre le bien public, les droits sociaux. Et puis ça rappelle d’autres périodes de l’histoire, le fascisme, où là aussi on intimidait les gens.